Liaisons sociales 16 avril 2024
Discrimination : la hausse des réclamations devant le Défenseur des droits se poursuit en 2023
En 2023, le Défenseur des droits a reçu 6 703 réclamations dans le domaine de la lutte contre les discriminations, soit une hausse de 2 % en un an, selon le rapport annuel de l’institution publié le 26 mars 2024. 23 % de ces demandes concernaient des discriminations dans l’emploi privé et étaient avant tout justifiées par des critères liés au handicap, à l’origine, à l’état de santé et à la nationalité.
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Le handicap, principal motif de discrimination
Parmi les 6 703 réclamations pour discrimination enregistrées en 2023 (+ 2 %), le plus grand nombre sont issues de l’emploi privé (23 % de l’ensemble), devant l’emploi public (19 %), l’éducation et la formation (13 %) et les biens et services privés (12 %). Pour certains motifs discriminatoires, l’emploi privé a par ailleurs concentré la majorité des réclamations pour trois motifs discriminatoires : le sexe (39 % de l’ensemble des discriminations reposant sur ce motif ont eu lieu dans l’emploi privé), l’âge (38 %) et l’origine (33 %). Le handicap s’est une fois de plus imposé comme le premier motif conduisant à formuler une réclamation pour discrimination (21 % de l’ensemble des réclamations reçues pour discrimination), suivi de l’origine (13 %), de l’état de santé (9 %), puis de la nationalité (5 %).
« Dans le milieu professionnel, l’inclusion des personnes malades ou en situation de handicap suppose de privilégier une gestion collective et concrète des difficultés, respectueuse du choix personnel du salarié de révéler ou non sa maladie », plaide George Pau-Langevin, (adjointe de la Défenseure des droits chargée de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité) en revenant sur la publication, le 14 décembre 2023, du 16e baromètre dédié aux discriminations subies par les personnes atteintes de maladie chronique. Dans le cadre de son activité, la Défenseure des droits rappelle en outre qu’elle a rendu, le 6 juillet 2023, un avis préalablement à l’adoption de la loi pour le plein-emploi, dans lequel elle pointait notamment la nécessité d’accompagner les mesures visant à améliorer l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap de moyens suffisants. Elle y rappelait également que les obligations d’insertion ne devaient pas être des conditions d’accès au RSA, mais des modalités d’exécution du droit à l’accompagnement. La Défenseure des droits indique qu’elle a aussi rendu des avis sur des textes encore en cours d’examen devant le parlement, tels que : la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, et celles relatives au régime juridique des actions de groupe.
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Liaisons sociales 22 avril 2024
Handicap : des associations dénoncent « l’attentisme » des pouvoirs publics
Les pouvoirs publics font preuve d’un « attentisme scandaleux » s’agissant du respect des droits des personnes handicapées, ont dénoncé l’Unapei, l’APF France handicap, le Fnath et l’Unafam dans un communiqué commun du 17 avril, lançant un « cri d’alarme » un an jour pour jour après l’avis du Conseil de l’Europe concluant à la violation par la France de plusieurs articles de la charte sociale européenne. Le Conseil de l’Europe avait notamment cité l’insuffisance des aides financières, l’inaccessibilité des bâtiments ou moyens de transport, ou encore le « nombre élevé de cas de refus de soins » en matière de santé. Un an plus tard, « force est de constater que les droits des personnes en situation de handicap et de leurs familles ne sont toujours pas respectés », dénoncent les quatre associations, appelant « à ce que les requêtes formulées lors de la Conférence nationale du handicap se traduisent en actions concrètes et en investissements budgétaires à la hauteur des besoins et des attentes ». Car les annonces formulées à cette occasion, « notamment le 1,5 milliard pour l’accessibilité, apparaissent aujourd’hui non seulement incertaines du fait des coupes budgétaires, mais sont également insuffisantes », ont-elles souligné.
Source AFP
Etre (Emploi, handicap et prévention) N° 174 (Automne 2023)
La loi en débat avec trois « négociateurs ».
La loi Plein-emploi fait parler. Parties prenantes des négociations, Anne Baltazar, référente Handicap chez Force ouvrière, Dominique du Paty, vice-présidente de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) chargée de l'inclusion, et Philippe Mouiller, sénateur et référent Handicap du Sénat, partagent leurs points de vue.
« Chez Force ouvrière, nous craignons avec France Travail une déconstruction du service public de l'emploi » (Anne Baltazar)
« En tant que cheffe d’entreprise, je pense pouvoir dire que la loi Plein-emploi répond à plusieurs de nos problématiques » (Dominique du Paty)
« L’implication des associations dans le pilotage des accompagnements me semble un enjeu central » (Philippe Mouiller)
Quel regard portez-vous sur les principales mesures de la loi Plein-emploi ?
Anne Baltazar (AB) : D'un point de vue global, nous ne sommes pas très enthousiastes. En particulier concernant son point central, la création de cet opérateur géant, France Travail. En territorialisant son action, on risque d'engendrer des inégalités de traitement des dossiers, et donc des parcours, car les moyens varient beaucoup en fonction des régions. Chez Force ouvrière, nous parlons d'une « déconstruction du service public de l’emploi ».
Dominique du Paty (DP) : En tant que cheffe d'entreprise, je pense pouvoir dire qu'elle répond à plusieurs de nos problématiques. Les difficultés de recrutement, qui concernent tous les secteurs, les retombées économiques de la crise sanitaire, qui se font toujours sentir, et un changement de regard général sur le travail. Pour nous, l'objectif du plein-emploi est l'objectif d'une société. Le travail, c'est un moteur, c'est quelque chose qui donne confiance en soi et qui crée du lien social. Et c'est ce que cette loi semble dessiner en cessant de mettre les gens dans des silos et en valorisant les parcours, quels qu'ils soient. Ceux des personnes en situation de handicap compris.
Philippe Mouiller (PM) : Le projet de loi Plein-emploi intègre bien l'emploi des personnes en situation de handicap. Il confère de nouveaux droits aux travailleurs handicapés en Établissements et services d'aide par le travail (Ésat), ce qui est une réelle avancée.
Les personnes en situation de handicap ont-elles, selon vous, été suffisamment placées au coeur du texte de loi ?
AB : La question des rémunérations des personnes en situation de handicap reste ouverte, mais l'instauration de droits pour les travailleurs en Ésat est extrêmement positive. Pour la première fois, ils sont mis sur un pied d'égalité avec les salariés. Je pense qu'on est sur la bonne voie. Il y a une forte volonté de droit commun, qui confirme la dynamique lancée il y a deux ans avec le rapprochement de Pôle emploi et de Cap Emploi. la création d'un réseau France Travail, et donc l'exclusion d'une possibilité de fusion entre les différents organismes de l'emploi, nous a rassurés. Chacun garde son identité, son expertise. Même chose concernant la gouvernance de ce réseau, dont le rôle est de construire les offres de services, qui devrait intégrer celle de Cap Emploi.
DP : Pour limiter les ruptures de parcours, il faut s'inspirer de ceux des personnes en situation de handicap. Car si un accompagnement est suffisamment flexible pour s'adapter à leurs multiples profils, il le sera pour tous les demandeurs d'emploi, dont les besoins sont différents – anciens cadres, personnes peu qualifiées, au chômage depuis longtemps... Ce renforcement de la collaboration transversale entre tous les acteurs de l'emploi et de l'insertion professionnelle semble aller en ce sens. L’enjeu, ici, c'est d'articuler les accompagnements pour qu'ils soient réalisés avec respect et bienveillance - en impliquant les Ésat et les associations, par exemple, qui ont cette expérience. C'est un sujet sur lequel il faut être particulièrement vigilant.
PM : Fait suffisamment rare pour le souligner, le projet de loi a été conçu en prenant en compte, pendant sa construction et non après, une réflexion autour des parcours des personnes en situation de handicap. C'est un point positif en soi ; on a déjà vu des textes dans lesquels l'intégration du handicap n'était pas si évidente. Et il porte plusieurs mesures très fortes, attendues depuis longtemps et essentielles.
Parmi les points de vigilance ou d'alerte, le risque de trop orienter en milieu ordinaire évoqué par chacun d'entre vous. Quels sont les autres ?
AB : Oui, cette question d'équilibre nous inquiète beaucoup. Ne risque t-on pas de trop orienter en milieu ordinaire, en dépit des besoins ? Même chose concernant le pouvoir de décision des personnes elles-mêmes. Seront-elles entendues si elles disent préférer travailler en Ésat ? Nous nous interrogeons également sur la fluidité des parcours : on nous dit qu'ils seront simplifiés, mais imposer aux personnes de passer par France Travail ne sera-t-il pas, au contraire, gage de complexification ?
DP : En ce qui me concerne, il y a aussi un réel enjeu en matière de contraintes administratives. Privilégier l'intégration des personnes en milieu ordinaire ne pourra se faire que si les entreprises, notamment les plus petites, peuvent suivre en matière de charge de travail. Je parle des déclarations à faire, des formulaires à remplir.
PM : En plus de cela, je pense qu’il y a plusieurs points. D'abord, ces mesures vont avoir des impacts très forts sur les Ésat, que le plan de transformation est déjà en train de faire évoluer. Par ailleurs, certains établissements rencontrent des difficultés financières. Et, en parallèle, l'orientation prioritaire des personnes en milieu ordinaire ainsi que les nouveaux droits des travailleurs en Ésat impliquent une adaptation de leurs modes de fonctionnement. Les aider dans cette transition est un réel enjeu, et pour le moment ce n’est évoqué nulle part. Et puis il n'est pas fait mention non plus de l'implication des associations dans le pilotage des accompagnements. Pourtant, il me semble que c'est un enjeu central pour assurer la justesse des orientations.
LIAISONS SOCIALES 23 AVRIL 2024
OETH : rappel des éléments à déclarer en DSN en mai 2024.
Les entreprises de 20 salariés et plus assujetties à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH) se sont vues notifier, le 15 mars 2024, leurs effectifs de travailleurs handicapés de l’année 2023. Celles-ci doivent désormais effectuer leur déclaration annuelle via la DSN (déclaration sociale nominative) d’avril, soit le 6 ou 15 mai prochain.
Dernière mise à jour : 29 avril 2024